Éditorial Ecclesia50 - Juillet-août 2023 — Diocèse de Coutances

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Éditorial Ecclesia50 - Juillet-août 2023

Homo Viator

Depuis les temps les plus anciens, les chrétiens ont eu la conscience d’être sur cette terre des pèlerins en marche vers « les cieux nouveaux » : ils marchaient vers Jérusalem, Rome, Saint-Jacques de Compostelle, le Mont-Saint-Michel… Ils marchaient ainsi vers « la patrie céleste ». La philosophie définit d’ailleurs l’homme comme « Homo Viator » : « l’homme en chemin ». L’image est utilisée pour définir la personne humaine comme un être toujours en devenir, « en route vers », tendu vers ses aspirations les plus profondes.

Ainsi s’est imposé le pèlerinage au cœur de la vie chrétienne. Ils sont des centaines de milliers à pérégriner chaque année sur les chemins et les routes pour rejoindre la multitude des sanctuaires en France et dans le monde entier. L’un des enjeux du pèlerinage, au-delà de la dévotion personnelle, est certainement le détachement plus que l’éloignement. C’est le détachement qui est en jeu à chaque départ.

Nous sommes tellement enclins à mettre « la main sur », à vouloir posséder et maîtriser, que nous risquons de ne plus avoir la juste distance vis-à-vis de nous-mêmes et de ceux qui nous entourent ; vis-à-vis de nos biens, de nos idées et de nos réalisations. Nous nous installons au lieu de cheminer. Nous risquons ainsi de perdre de vue la finalité de notre existence. Le pèlerinage remet en chemin.

« Qu'emporter avec soi ? Tout soi-même et rien de moins. Étrange réponse après avoir dit qu'il faut tout laisser et surtout se laisser soi-même. Et pourtant c'est vrai, il faut s'emporter tout entier. Beaucoup ne partent qu'en apparence. Ils n'emportent avec eux qu'un fantôme d'eux-mêmes, une moquette abstraite. Ils se mettent eux-mêmes en sécurité avant de se mettre en route... Ils se font une personnalité artificielle, ce robot, cette ombre d'eux-mêmes qu'ils envoient à la recherche de Dieu. Ils n'entrent jamais vraiment de tout leur être dans l'expérience. C'est déjà une sorte de saint qui s'embarque pour l'expédition, un personnage modelé d'après les traités de la perfection. Ils envoient un double d'eux-mêmes tenter l'aventure et s'étonnent ensuite de ne retirer de tout cela que déception. » (Yves Raguin, Chemin de la contemplation, DDB, 1969).

Ce numéro nous entraîne sur les chemins du Mont-Saint-Michel. Il résonne alors comme un appel à vivre nos existences avec détachement. Chaque changement, chaque séparation, chaque page qui se tourne ne sont-ils pas des appels à vivre le détachement ? Car profondément chaque genre de vie, quel qu’il soit, a vocation à vivre le détachement. Celui-ci procure bienfaits car il remet dans la vérité de ce que nous sommes : « homo viator » ; et préserve de l’illusion ou du prêt à porter.

L’été est propice à prendre le chemin : chemin de randonnée, chemin des douaniers, chemins de pèlerinage, chemin de traverse : chacun chemin de détachement… Et si nous nous donnions rendez-vous à Genêts, le jeudi 27 juillet pour la traversée des grèves vers la Merveille ? Bon été à tous…

Père Thierry Anquetil
Administrateur diocésain