Annoncer ici et aujourd’hui ! Adresse de Mgr Cador aux diocésains — Diocèse de Coutances

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Annoncer ici et aujourd’hui ! Adresse de Mgr Cador aux diocésains

Lors de la journée diocésaine du 18 novembre, à l’issue d’une rencontre placée sous le signe de l’écoute, Mgr Grégoire Cador s’est adressé à plusieurs centaines de diocésains. Retrouvez ici l'essentiel de son message.

« Invitez-moi et priez pour que je reste disponible ! »

Tout d'abord et encore une fois, un grand merci d'avoir pris ce temps aujourd'hui de faire le point ensemble.
Merci à ceux qui ont organisé cette journée en la plaçant sous le signe de l'écoute mutuelle à l'école de l'Esprit-Saint et de la parole de Dieu.

Je ne me permettrais pas d’évaluer le travail fait depuis des années en me basant uniquement sur ce que nous avons pu partager aujourd’hui, ce serait bien peu respectueux de ma part.

Il me faudra du temps pour entrer dans votre démarche en allant « traîner mes bottes » dans la réalité locale. Invitez-moi et priez pour que je reste disponible et fidèle à la devise que j’ai choisie.

Au risque de vous choquer, j’ai envie de dire que votre démarche n’a rien d’original… ! Sauf que… : c’est « chez nous » que cela se passe et c’est cela que je dois découvrir pour ne pas projeter les expériences que j’ai pu avoir ailleurs sans écouter en vérité et en profondeur ce qui se vit « Hic et Nunc » ici et aujourd’hui.

Ensemble

Je suis heureux de voir les fidèles laïcs et leurs pasteurs réunis pour réfléchir ensemble. Le risque serait sinon de nous organiser « à l’ancienne » Les curés décident et les fidèles exécutent ! 

Cette manière de faire a fonctionné pendant des siècles et ça a porté un certain nombre de très bons fruits, mais il est clair que ça ne « matche » plus aujourd’hui… On arrive au burnout des prêtres et au découragement des laïcs…

Au risque de me répéter, ce qui nous fait missionnaire, c’est notre baptême. Au jour de notre baptême (ou de notre profession de foi), nous avons pris l’engagement de vivre en enfants de Dieu et de laisser l’Esprit nous faire naître à la vie nouvelle en nous greffant sur le corps du Christ. Nous sommes le corps du Christ à l’œuvre dans le monde. Avons-nous vraiment conscience de ce que cela veut dire et de la responsabilité qui en découle… ? « Soyez toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui est en vous. », nous dit saint Pierre : Lourde, très lourde responsabilité.

« Les chrétiens viennent au monde à partir de l’Avenir. » Ils sont témoins de l’A-venir…

« Pitié, Seigneur, pour ton peuple, n’expose pas ceux qui t’appartiennent à l’insulte et aux moqueries des païens !
Faudra-t-il qu’on dise : “Où donc est leur Dieu ?” »
Texte du prophète Joël lu le mercredi des Cendres.

Être baptisé, être missionnaire, ce n’est pas « aider monsieur le Curé »… Le rapport que nous avons à établir entre le clergé et les fidèles laïcs, n’est pas un rapport de force ou de concurrence mais de complémentarité et de convergence pour être, chacun à sa place, toute sa place, rien que sa place, au service de l’Évangile et de nos frères humains vers lesquels le Seigneur nous envoie.

Pour bien comprendre ce rapport, le mot « communion » est éclairant. Ce terme ne traduit pas seulement le « star’insieme », comme disent les italiens (commune union), mais le com / munus (charge partagée) qui renvoie à l’idée de joug. « Prenez sur vous mon joug… » Nous sommes attelés à la même tâche.

 « Vivre l’aujourd’hui de la mission »

La tâche, c’est d’annoncer l’Évangile ou plutôt de « Bonnenouvelliser » le monde… Faire retentir au cœur de notre monde la Bonne Nouvelle. Mais avons-nous vraiment une Bonne Nouvelle à annoncer ?

Soit notre Église n’a plus rien à dire et alors il nous faut gérer le plus gentiment possible la fin de notre groupe de gens plutôt sympa en chargeant le dernier de mettre la clé sous le paillasson avant de partir… Je vous avoue que ce n’est pas vraiment dans cet état d’Esprit que j’ai répondu oui à l’appel du Pape à devenir évêque de Coutances.

Soit notre Église a quelque chose à dire. Alors il faut qu’elle réfléchisse, et donc que nous réfléchissions ensemble, pour savoir ce qu’elle a à dire de bon et de nouveau à notre monde tel qu’il est…

Il ne s’agit ni de gérer la fin d’une belle histoire, ni de rééditer le passé avec un brin de nostalgie, ni de rêver l’avenir en des élucubrations fantaisistes, mais de vivre l’aujourd’hui de la mission.

Pour cela, il est indispensable de comprendre que l’Esprit nous précède… Sur ce point, je vous invite à regarder la conférence de Mgr Aveline au Congrès Mission de Paris en 2022. Soyons attentifs à ce que l’Esprit nous dit dans le monde dans lequel nous vivons.

Le bien-aimé pape François nous invite à être une Église « en sortie ». Cela ne veut pas dire qu’il nous invite à quitter l’Église, mais à nous tourner vers les vrais destinataires de la mission.

Il ne s’agit pas d’abord de faire venir les gens chez nous… Mais de faire advenir l’Évangile au cœur du Monde…

« Nous sommes les ouvriers de la moisson »

Peut-être deuxième occasion de vous choquer. Mon souci n’est pas d’abord d’organiser les choses pour mieux les maîtriser… Mais de me mettre avec vous à l’écoute de ce que l’Esprit dit à l’Église.

Nous ne sommes pas les maîtres de la moisson, mais les ouvriers de la moisson.

Nous faisons partout en France et dans nos pays de vieilles chrétientés le constat de notre grande pauvreté et d’une impression d’avoir une chaussure plus grande que le pied… (À moins d’enfiler plusieurs paires de chaussettes, ça provoque des ampoules !)

Que dire aussi des révélations (nécessaires) du comportement scandaleux de nombreux membres de la communauté chrétienne, même de prêtres et même d’évêques… 

D’où beaucoup de lourdeurs et une impression d’être dépassés ! Ce n’est pas livrer un secret que de dire que, dans nos réunions de prêtres, beaucoup disent qu’ils n’en peuvent plus de gérer de multiples réunions et des structures qui sont comme des coquilles vides…

Mais je ne peux m’empêcher de dire que le côté positif de ce constat de notre grande pauvreté, c’est qu’il nous oblige à lâcher prise et à revenir à beaucoup plus d’humilité.

La prétention à tout régenter que nous avions peu à peu acquis au cours des siècles nous a installés sur certains piédestaux qui ne sont plus supportables aux yeux de nos contemporains… Et c’est bien que nous soyons obligés d’en descendre.

Nous ne pouvons plus faire les fiers aujourd’hui. C’est peut-être notre chance…

La conversion du regard

Notre richesse c’est justement notre pauvreté…

Nous n’avons plus d’argent, nous n’avons plus de personnel, nous n’avons plus d’influence, nous n’avons plus de force, nous avons perdu beaucoup de notre crédibilité… Alors qu’est ce qui nous reste ?  L’Évangile, la fraternité reçue d’en haut et nos mains vides !

« Le Christ, de riche qu’il était, s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté. », nous dit saint Paul (2 Cor 8,9).

Saurons-nous accueillir nos pauvretés comme une vraie richesse. « Heureux les pauvres, le Royaume des Cieux est à eux. » Madeleine Delbrêl commente ce verset en disant que « Le bonheur des pauvres n’est pas la pauvreté, mais bien de posséder le royaume des Cieux ».

Saint Pierre devient apte au service au moment même où il prend conscience de son incapacité !

C’est cela que l’Église nous invite à vivre en nous demandant de mettre les pauvres au centre. J’aurais envie de dire que c’est plutôt la pauvreté qui doit être mise au centre. Et donc ceux qui la vivent au quotidien et dont nous faisons partie…

Concernant la fraternité, ce qui est important ce n’est pas le nombre de petites fraternités que nous pourrons recenser à travers le diocèse, même si elles peuvent être un très bon moyen d’alimenter l’esprit de fraternité en nous, à condition toutefois de ne pas se recroqueviller sur elles-mêmes… Ce qui compte, c’est que la fraternité chrétienne soit vécue.

La fraternité au sens chrétien c’est accueillir et mettre en œuvre la fraternité comme un don de Dieu qui nous précède et qui ne dépend pas de nous quant à son origine. Il s’agit comme le dit Benoît XVI « d’annoncer la bonne nouvelle de la filiation divine de tout être humain. » Non pas « la vocation à devenir fils de Dieu », mais l’accueil de cette réalité que nous sommes fils de Dieu et qui nous est donnée d’en haut.

Il s’agit de « voir Dieu et les hommes comme Jésus les voit ».

Conversion ou conversation ?

« L’Église se fait conversation », nous dit Paul VI. Cette phrase fait profondément écho avec ce que nous venons de vivre aujourd’hui.

Après avoir partagé toute la journée ce dont nous discutons en chemin depuis longtemps, il eût été intéressant, au soir tombant, de pouvoir nous asseoir à la table d'Emmaüs pour reconnaître Jésus à la fraction du pain... Mais c'est ce que chacun d'entre nous est invité à vivre dans sa propre paroisse ou son lieu manifeste. Puissions nous transformer nos lieux manifestes en autant d’auberge d’Emmaüs desquelles il fera bon repartir « le cœur tout brûlant » pour annoncer au monde : « Le Seigneur est vraiment ressuscité. ».

Je vous propose de terminer ce temps de prise de contact en prenant le temps, encore une fois, de prier.

+ Grégoire, Adresse au peuple de Dieu, 18 novembre 2023

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