Appel décisif des adultes — Diocèse de Coutances

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Appel décisif des adultes

Diocèse de Coutances

Relire l'homélie de Mgr Le Boulc'h prononcée lors de la célébration de l'appel décisif le 26 février 2023, premier dimanche de Carême.

Frères et sœurs, le récit du Livre de la Genèse que nous avons entendu en première lecture se termine par cette phrase : « Alors leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils se rendirent compte qu’ils étaient nus ». L’histoire raconte ensuite que lorsque Adam et Eve entendirent la voix du Seigneur qui se promenait dans le jardin, ils « allèrent se cacher aux regards du Seigneur parmi les arbres ». Adam et Eve se rendent compte qu’ils sont nus et ils se cachent aux yeux de Dieu, telles sont les conséquences de l’irruption du serpent dans le jardin d’Eden.

En distillant dans le cœur d’Adam et d’Eve le mensonge, la suspicion et l’envie, le serpent a rendu la nudité honteuse à leurs yeux. Parce qu’Adam et Eve ont perdu toute confiance mutuelle, parce qu’ils sont menacés par l’envie, ils ont peur de leur nudité qui est le signe tangible de leur vulnérabilité. Parce qu’ils se méfient l’un de l’autre, Adam et Eve éprouvent désormais le besoin de se protéger. 

Et il en va de même de leur relation avec Dieu. Adam et Eve se cachent parmi les arbres parce qu’ils ont peur désormais du regard que Dieu pose sur eux. Dans l’esprit d’Adam et Eve, la parole du serpent a transformé Dieu en un rival, un ennemi qui ne cherche qu’à les exploiter à son profit. Devant le Seigneur, Adam et Eve, qui ont pris conscience de leur fragilité, prennent peur et se cachent.

Ainsi, frères et sœurs, à cause de la perversité du démon et du péché d’Adam et Eve, l’innocence d’une confiance partagée entre les êtres et des êtres avec Dieu a disparu. Le mal a brouillé les relations.

Les conséquences de ce mal continuent de peser lourdement dans la vie de l’humanité. Le serpent rusé ne cesse d’agir, et des personnes et des peuples sont déformés par la peur, tétanisés par l’incapacité à faire confiance, piégés par les désordres d’envies non maitrisées. Et, comme dans le récit de la Genèse, les signes de ce dérèglement se donnent aujourd’hui à voir dans notre rapport à la vulnérabilité. 

Frères et œurs, à l’image d’Adam et Eve, la vulnérabilité aujourd’hui fait peur. Au point que souvent nous préférons la cacher et nous en protéger. La vulnérabilité qui s’exprime dans la maladie, l’inéluctabilité de la mort, notre condition sexuée, les faiblesses et les limites de notre corps et de notre esprit, la finitude et la pauvreté, le temps qui passe, nous devient culturellement et socialement de plus en plus difficile à vivre. Nous craignons nos vulnérabilités, nous ne voulons pas les voir, nous les cachons du mieux possible et nous fuyons dans la fascination pour la puissance, la course contre le temps, les rêves de performance.

Or, frères et sœurs, la sagesse biblique raconte que la vulnérabilité des êtres les appelle non pas nécessairement à la peur, à l’isolement ou à la fuite, mais aux relations fraternelles et solidaires. Nos vulnérabilités sont des appels à la fraternité ! Et c’est dans cette relation fraternelle qui prend soin des êtres les plus vulnérables qu’affleurent le plus précieux et le plus essentiel de nos vies humaines.

Chers catéchumènes, les lettres que vous m’avez écrites témoignent souvent de cette expérience. Beaucoup parmi vous m’ont partagé que c’est au cœur de leurs vulnérabilités et de leurs faiblesses, qu’ils ont éprouvé la tendresse du Seigneur qui prend soin des pauvres et des petits, les appelant à la foi, à l’amour et à l’espérance.

Dans le récit de la Genèse, à cause de la séduction du Serpent, Adam et Eve ont eu peur de leur vulnérabilité et ils ont alors porté atteinte à la relation de confiance entre eux et avec Dieu, chacun s’enfermant sur lui-même.

Dans le récit de l’évangile de ce dimanche, il est question aussi de vulnérabilité. Poussé par l’Esprit, Jésus part au désert. Après 40 jours et 40 nuits de jeûne, le Christ fait alors l’expérience d’une grande vulnérabilité. Et, comme dans le récit de la Genèse, le Malin s’engouffre dans cette fragilité. Au prix de la manipulation de la Parole de Dieu, le démon fait miroiter à Jésus le rêve d’une existence humaine qui serait débarrassée de toutes vulnérabilités, une existence toute-puissante, ne craignant rien, dominatrice, maitrisant tout et possédant tout ici-bas. Mais, Jésus n’est pas dupe. Il voit le piège. Le Christ assume pleinement sa vulnérabilité et il en fait le lieu d’une rencontre authentique de son Père et de ses frères.

Cette décision de Jésus le mènera loin. Elle le conduira au mystère de la croix. Sur la croix, Jésus, Nouvel Adam, mis à nu, frappé d’une souffrance inouïe, refusera de céder aux sirènes du démon en fuyant ou en répondant au mal par le mal. Au contraire, Jésus s’abandonnera à Dieu et à l’humanité, implorant le secours du Père et appelant la communion fraternelle de ses frères.

Frères et sœurs, pendant 40 jours, le carême conduit l’Église à la célébration de ce grand mystère d’amour. Le carême nous prépare à contempler dans la semaine sainte l’extrême vulnérabilité du Christ dans sa passion et le don d’amour de sa vie. Il nous prépare à contempler la réponse du Père qui par la résurrection sauvera définitivement Jésus du mal et de la mort. Le carême nous prépare à entendre l’appel à vivre alors dans la communion de l’Esprit avec Jésus le ressuscité. 

Chers catéchumènes, ce carême est pour vous le temps de préparation ultime à recevoir les sacrements du baptême, de la confirmation et de l’Eucharistie. Soutenus par l’amitié et la prière de vos communautés paroissiales, vous vous préparez à recevoir le don de Dieu dans la veillée pascale, quand vous serez plongés dans la mort et la résurrection du Christ, marqués de l’Esprit Saint, et nourris du Corps du Ressuscité.

Le rituel du baptême est lui aussi un dépouillement, une mise à nu. Dans le rituel des premiers siècles de l’Église, les catéchumènes, dépouillés de leurs vêtements étaient plongés par trois fois dans l’eau avant de remonter et d’être revêtus du vêtement blanc de la résurrection. Les nouveaux baptisés rejoignaient ensuite l’assemblée des chrétiens qui les acclamait et les attendait pour célébrer l’Eucharistie. Dans le baptême donc, les catéchumènes ne craignent pas de se présenter au Seigneur dans leurs fragilités et leurs vulnérabilités. Ils savent que c’est là que le Seigneur vient les sauver dans son amour victorieux.

Chers catéchumènes, c’est ce chemin de mort et de résurrection que vous avez découvert et que vous avez choisi de suivre avec le Christ. Vous avez déjà reconnu la puissance à l’œuvre de l’amour du Christ et de l’Esprit dans vos faiblesses. Ce matin, l’Église vous appelle par le prénom qui deviendra celui de votre baptême, et elle vous fait promesse de recevoir par les sacrements de l’initiation chrétienne dans la veillée pascale, la joie d’entrer, nus et fragiles, dans la vie nouvelle de Jésus.

Baptisés dans le Christ, ce qui vous attendra alors n’est pas une vie de surhomme, à l’abri des souffrances, capable de tous les prodiges. Ce qui vous est promis, c’est une vie pleine d’humanité, transformée par la foi, l’espérance et la charité dans l’Esprit Saint. Une vie d’attention aux hommes et aux femmes vulnérables pour y déposer la marque de la tendresse de Dieu. Une vie portée par la conviction profonde que dans le Christ Jésus, le Seigneur vient à la rencontre des plus pauvres, comme il est venu vous sauver par le baptême.

Chers catéchumènes, en ce temps du carême, toute l’Église prie pour vous. Dans sa marche vers Pâques, elle vous soutient dans le choix de Jésus. Et, grâce à vous, elle entend aussi l’appel à replonger dans le baptême en se convertissant encore à l’amour du Christ.

Frères et sœurs, que ce carême soit alors pour nous tous un temps favorable pour vivre et revivre notre baptême par la grâce de la prière, du jeûne et du partage et de la réconciliation. Amen.

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