Célébration d'au-revoir et d'action de grâce de Mgr Le Boulc'h — Diocèse de Coutances

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Célébration d'au-revoir et d'action de grâce de Mgr Le Boulc'h

Diocèse de Coutances

Retour sur la célébration d'au-revoir et d'action de grâce de Mgr Le Boulc'h du lundi 8 mai 2023 suite à sa nomination comme archevêque de Lille.

Homélie

Chers frères et sœurs, je me souviens encore de mon arrivée parmi vous, il y a près de 10 ans. J’étais alors un peu tremblant, tout impressionné par la mission qui m’attendait, tâtonnant et cherchant mes marques.

D’emblée, j’ai compris que la mission d’évêque me demanderait d’être le plus présent possible au milieu de vous. Certains me l’ont fait savoir dès mon arrivée. J’ai donc pris soin de ne pas devenir un ‘évêque d’aéroport’ comme dit le pape François. A dire vrai, cela ne m’était pas très difficile, ayant reçu en héritage de mes parents un certain esprit casanier !

Cette exigence pour l’évêque de se tenir fidèlement présent dans son diocèse a cependant quelque chose de paradoxal. Car si l’évêque doit témoigner d’une forte présence au sein de son Église, ce n’est pas pour que tout soit centré sur lui, mais, au contraire, pour servir l’expérience d’un vrai décentrement.

Dans le récit des Actes des Apôtres de la liturgie ce jour, je retrouve cette attitude paradoxale. A cause d’elle, Paul et Barnabé sont entraînés dans une drôle d’aventure. Dans le récit de Luc, Paul fixe du regard l’homme infirme de naissance. Il lui parle d’une voix forte et il le guérit. Paul témoigne ici d’une présence totale à cet homme au milieu des gens de Lystres. Les gens ont vraiment de quoi être impressionnés par elle. Ils sont si marqués par la présence rayonnante des deux apôtres qu’ils veulent en faire leurs dieux : « Les dieux se sont faits pareils aux hommes, et ils sont descendus chez nous ! » s’écrient-ils.  Mais, Paul et Barnabé réagissent : « Nous aussi, nous sommes des hommes pareils à vous, et nous annonçons la Bonne Nouvelle : détournez-vous de ces vaines pratiques, et tournez-vous vers le Dieu vivant ».

Frères et sœurs, à l’image de Barnabé et Paul, l’évêque, successeur des apôtres, n’est pas là pour faire parler de lui et tout ramener à lui comme s’il prenait la place d’un dieu ! Sa mission essentielle est au contraire de détourner de lui pour que son ministère, et l’Église qui lui est confiée, soient tout orientés vers le Christ, vers le monde et vers l’Église universelle.

En notre temps narcissique où il peut être si tentant de cultiver le culte de sa personne, ou de se laisser prendre par les regards des gens sur soi, vivre un tel décentrement n’est pas toujours facile. Se donner totalement sans tout centrer sur soi rejoint pourtant l’attitude de Jésus dans les évangiles. Tout ce que Jésus y accomplit pour le salut du monde, il le renvoie à son Père. Quand des hommes et des femmes tournent heureusement leurs regards vers le Christ, Celui-ci aussitôt les retourne vers le Père. « Celui qui m’aime sera aimé de mon Père », dit Jésus dans l’évangile de ce jour.

De la même manière, l’évêque est appelé à vivre à la fois totalement présent et pleinement décentré dans son Église, pour que celle-ci devienne une Église sans repli sur elle-même parce que toute greffée sur Jésus, toute en dialogue avec le monde et toute ouverte à la communion des Églises sœurs sous l’action de l’Esprit Saint.

Chers diocésains, cet humble travail de l’Esprit Saint, j’ai essayé tant bien que mal de le vivre au milieu de vous avec la grâce de Dieu. C’est vers cet idéal que j’ai tenté de guider notre Église.

Je l’ai fait avec mes qualités et mes limites. « Nous aussi, nous sommes des hommes pareils à vous », s’écrient Paul et Barnabé. Le risque est là de faire de l’évêque un surhomme que sa mission spirituelle élèverait au-dessus de la condition commune. La tentation est parfois d’attendre de l’évêque qu’il n’ait aucune limite, qu’il trouve solution à tous les problèmes et des réponses à toutes les demandes ! Mais, il n’est qu’un homme « pareil à vous », appelé par l’Esprit Saint à retourner sans cesse son Église du côté du Christ, du côté du monde et du côté des autres Églises.

Bien plus que sur ses propres forces, le ministère de l’évêque est fondé sur l’amour de Jésus. Dans la finale de l’évangile selon saint Jean, le Seigneur Ressuscité signifie cela à Pierre quand il l’envoie en mission en l’interrogeant par trois fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment ? ». L’amour de Jésus est la source et la condition nécessaire du ministère apostolique. « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure » dit Jésus. L’évêque est alors ce ‘quelqu’un’ appelé à aimer Jésus en gardant sa Parole. Quand l’évêque témoigne ainsi de l’amour pour Jésus au cœur de son Église, il appelle son Église à devenir elle-même ce ‘quelqu’un’ qui aime Jésus et devient ainsi la demeure du Père et du Fils parmi les hommes dans la grâce de l’Esprit Saint.

Chers diocésains, à la veille de terminer ma mission d’évêque parmi vous, j’aimerais avec vous ce soir rendre grâce à Dieu. Rendre grâce au Père pour les décentrements au Christ, au monde et à l’Église qu’il nous a été donné de vivre.

Frères et sœurs, rendons grâce au Père ce soir parce que nous avons tenté ensemble de mieux aimer Jésus. Nous avons appris à nous tourner d’abord vers Jésus.

La vie spirituelle est la condition première du témoignage de l’Église. Nous l’avons nourrie dans la prière et la célébration des sacrements. Nous l’avons approfondie dans l’écoute fraternelle et priante de la Parole de Dieu, vécue notamment dans les petites fraternités missionnaires. Ce ressourcement est vital pour notre Église. Sans lui, l’évangélisation risque de n’être qu’une annonce de nous-mêmes et non pas celle du Christ Vivant. Frères et sœurs, gardez bien au cœur cet appel à vous décentrer toujours plus du côté du Christ. 

Frères et sœurs, rendons grâce encore à Dieu ce soir parce qu’ensemble nous avons tenté de nous décentrer de nous-mêmes pour sortir à la rencontre du monde. Je pense particulièrement aux liens que nous avons tissés avec les gens de la mer et les gens de la terre, les migrants, les personnes malades et les jeunes. C’est ainsi que nous avons cherché humblement à devenir pour tous des signes de la demeure de Dieu au milieu du monde.

Nous le savons pourtant, une telle sortie dans le monde de la part de nos communautés d’Église n’a rien de spontanée. Cette attitude demande le courage et la vigilance de l’Esprit Saint. Les craintes, les tentations de repli, les préoccupations excessives de nous-mêmes freinent trop souvent cet élan. Mais, l’Église de Jésus est l’Église que le Souffle de Dieu envoie dans le monde. Frères et sœurs, gardez bien au cœur l’appel à sortir sans craintes dans le monde. 

Frères et sœurs, rendons grâce encore au Père ce soir dans l’eucharistie de Jésus parce que nous avons cherché à nous relier les uns les autres. Nous avons progressé, je l’espère, dans des relations de communion entre toutes les vocations de l’Église, prêtres, diacres, religieux et consacrées, époux et épouses, baptisés engagés. Nous nous sommes tournés vers des Églises sœurs : Églises de Kribi et de Bafang, Églises de la province de Rouen en communion avec le Saint Père, évêque de Rome. Le décentrement des uns pour les autres en Église est la condition nécessaire de la communion de Jésus qui porte au témoignage de l’Évangile. « À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jn 13,35) nous redit Jésus. Frères et sœurs, gardez bien au cœur l’appel à vous relier aux Églises dans le monde. 

Chers diocésains, frères et sœurs bien aimés, nos routes vont maintenant se séparer. D’ici quelques jours, je m’en irai servir l’Église de Lille tandis que vous poursuivrez ici votre chemin. Une grande action de grâce habite mon cœur pour tout ce que j’ai reçu de vous, innombrables dons de l’Esprit Saint. Je le sais, ce don me sera précieux pour vivre ma prochaine mission.

Que l’amitié et la prière continuent de nous soutenir fraternellement pour témoigner de l’Évangile dans le nécessaire décentrement au Christ, au monde et à l’Église. Et qu’ainsi, frères et sœurs, « la joie de l’Évangile » soit la destinée de nos Églises dans le souffle de l’Esprit Saint.

Amen. Alléluia !

Album photos de la célébration

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