Jésus se fait présence — Paroisse Saint-Vincent-de-Paul de Montmartin

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Paroisse Saint-Vincent-de-Paul de Montmartin

Jésus se fait présence

Frères et sœurs, nous contemplons, ce jeudi saint, le mystère du sacrifice eucharistique de Jésus, alors même que, confinés dans vos maisons, vous êtes empêchés de communier au Corps du Christ. Je sais que c’est la cause d’une grande tristesse pour beaucoup d’entre vous. (texte de Mgr Laurent Le Boulc'h)

« Ce mois-ci sera pour vous le premier des mois, il marquera pour vous le commencement de l’année ».

Sans cesse, le Peuple élu devra se renouveler dans la paque.

Quand le livre de l’Exode demande que le mois de la paque devienne dans le calendrier hébraïque « le premier des mois, le commencement de l’année », il rappelle au peuple d’Israël que l’événement de la traversée de la mer rouge est un commencement pour lui. C’est dans la paque qu’Israël est devenu le peuple élu de Dieu. La vie d’Israël sera alors profondément imprégnée par le passage de la mer. Israël est appelé à reconnaitre et actualiser dans sa vie ce grand passage de l’esclavage à la libération, de la mort à la vie, dans la confiance en Dieu. Sans cesse, le Peuple élu devra se renouveler dans la paque. L’oubli pourtant menace le Peuple de Dieu. Il y a le risque qu’Israël ne se souvienne plus de l’évènement de sa naissance pascale et ne l’actualise plus dans sa propre vie. C’est pour lutter contre cet oubli que le Seigneur exige, par la voix de Moïse et d’Aaron, qu’Israël célèbre chaque année la paque.

 « C’est un décret perpétuel, d’âge en âge, vous le ferez »

Chaque année, Israël fera mémoire de la traversée de la mer par le rituel de l’agneau pascal qu’il se transmettra de génération en génération : « C’est un décret perpétuel, d’âge en âge, vous le ferez ». On célébrera la libération de la paque en revivant symboliquement l’ultime préparatif du commencement du salut. On mangera alors, « la ceinture aux reins, les sandales aux pieds et le bâton à la main », « en toute hâte », un agneau sans défaut, immolé au coucher du soleil, dont le sang aura été aspergé sur les linteaux des maisons. Ce sera là le rappel de l’agneau dont le sang répandu a préservé les hébreux du fléau avant qu’ils ne prennent la route de l’exode. Dans cet agneau de la paque juive, les chrétiens ont reconnu très tôt la préfiguration de Jésus. Jésus est « l’agneau sans défaut et sans tâche » (1 P,1,19) écrit saint Pierre. Il est « l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » proclame Jean le Baptiste dans l’évangile de Jean. Le livre de l’Apocalypse parle de « l’agneau debout et égorgé », image de Jésus crucifié et ressuscité dont le sang répandu sauve les hommes du mal et de la mort.

Le passage de l’esclavage à la libération 

Pour les chrétiens, la paque juive de l’Exode continue et se réalise dans la Pâques de Jésus. Le passage de l’esclavage à la libération d’Israël s’accomplit pleinement dans le passage de la mort à la résurrection de Jésus. Dans l’évènement de la Pâques de Jésus, s’origine une vie nouvelle pour l’humanité qui reçoit, dans l’Esprit-Saint, le don de l’amour divin plus fort que le mal, qui pardonne les péchés et délivre de la mort. Et, de la même manière qu’Israël, pour ne pas oublier l’exode, célèbre la paque dans le rituel du repas, l’Église, pour ne pas oublier le don libérateur de la Pâques de Jésus, célèbre l’Eucharistie. De même que dans l’ancien testament, le Seigneur a fait connaitre sa volonté par Moïse et Aaron, dans l’évangile, Jésus fait connaitre sa volonté à ses disciples dans le repas de la Cène : « Faites cela en mémoire de moi ». « Faites cela en mémoire de moi ».

Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. 

Frères et sœurs, nous sommes invités par Jésus lui-même, à la suite des apôtres, à célébrer l’Eucharistie en mémoire de Lui. Le Seigneur demande à son Église de célébrer dans l’Eucharistie le repas de sa Pâques, non seulement pour qu’elle n’oublie pas le sacrifice de Jésus à son Père pour le salut des hommes, mais encore, pour que s’inscrive en elle et dans chaque baptisé le don de son amour victorieux, et qu’ils deviennent ainsi témoins vivants de son offrande d’amour au Père et aux hommes. Frères et sœurs, c’est ce don d’amour de Jésus au Père et aux hommes que nous contemplons dans l’évangile de Jean ce soir. Il commence par cette phrase : « Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. ».

Ce geste, c’est toute sa vie.

Au moment donc où Jésus passe du côté de son Père par l’offrande de sa vie sur la croix, il passe aussi du côté de ses disciples. Dans le geste du lavement des pieds, Jésus met en scène son passage vers les hommes. Ce geste, c’est toute sa vie. Comme il l’a fait toute sa vie, Jésus se dirige vers eux ; il les rejoint ; il se dépouille pour eux ; il s’abaisse à leurs pieds ; il se met à les servir. Au moment où il va passer à son Père, Jésus passe aux hommes, radicalement. Ce double passage d’amour du Christ au Père et aux hommes, Jésus nous fait la grâce de le recevoir en chaque Eucharistie, par la puissance de l’Esprit Saint. Quand nous faisons mémoire de Lui, quand nous partageons le pain devenu son Corps et le vin devenu son Sang, c’est le Christ Jésus, mort et Ressuscité, qui en passant au Père passe dans nos vies.

Jésus se fait présence

Nous comprenons alors, frères et sœurs, que l’Eucharistie est bien plus qu’un rite ou un souvenir, c’est un nouveau commencement de vie qui se donne à nous. Dans l’Eucharistie, Jésus se fait présence et nous emporte avec lui dans son passage au Père et dans son passage aux hommes. Tel est le grand mystère qui s’inaugure dans la Cène de Jésus, et dont nous faisons mémoire en chaque Eucharistie. Par l’Esprit-Saint, l’amour du Christ mort et ressuscité entre dans nos vies, et son amour en nous nous tourne vers le Père et vers nos frères. Dans l’Eucharistie, en Jésus Vivant, les disciples apprennent à offrir, comme Lui, leurs existences au Père et à leurs frères.

Nous contemplons, ce jeudi saint, le mystère du sacrifice eucharistique de Jésus

Cette réorientation de leurs vies dans l’amour de Dieu et l’amour des hommes est la source d’un vrai renouvellement de la vie. C’est une vie nouvelle, le jaillissement de la vie éternelle, qui commence en eux. Frères et sœurs, nous contemplons, ce jeudi saint, le mystère du sacrifice eucharistique de Jésus, alors même que, confinés dans vos maisons, vous êtes empêchés de communier au Corps du Christ. Je sais que c’est la cause d’une grande tristesse pour beaucoup d’entre vous. Je m’unis à votre peine. Et cependant, plutôt que de vous laisser vous enfermer dans la tristesse, je vous invite, ce soir, à sublimer ce manque pour en faire, dans la foi, le lieu d’une authentique conversion spirituelle. J’ai reçu ces jours-ci de votre part des témoignages qui m’ont réjoui. Ils me disent que, paradoxalement, la privation de l’Eucharistie a renouvelé en vous l’accueil de la Parole de Dieu et l’exigence de la charité. Et c’est comme si, par-là, la vie eucharistique redécouvrait en vous ce par quoi elle nait, l’accueil de la Parole de Dieu, et ce vers quoi elle conduit, l’amour fraternel du prochain.

Frères et sœurs, je vous confie alors cette espérance. 

L’Eucharistie de Jésus prend tout son sens quand elle fait suite en nous à l’accueil premier de la Parole de Dieu et quand elle engage au témoignage de la charité fraternelle. C’est bien ce que saint Jean a signifié dans le récit du lavement des pieds quand il a inscrit le don de la Parole et le geste de serviteur de Jésus à ses disciples dans le repas de la Cène. Frères et sœurs, je vous confie alors cette espérance. Que le temps d’isolement que nous traversons fasse lever en beaucoup le désir de communier au Corps du Christ dans l’Eucharistie célébrée dans l’assemblée de l’Église.

La joie nous sera donnée de nous rassembler à nouveau

Que, lorsque la joie nous sera donnée de nous rassembler à nouveau, l’accueil de la Parole de Dieu et le témoignage de la charité pour les hommes soient toujours plus solidement liés en nous dans l’Eucharistie de Jésus. En attendant ce jour, toutes ces personnes qui, aujourd’hui, servent les autres avec tant d’abnégation, risquant parfois leurs propres vies, nous convoquent à rendre grâce au Père dans l’Eucharistie de Jésus, et à répondre nous aussi à l’invitation du Maître qui a lavé les pieds de ses disciples : « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous ». 

Mgr Laurent Le Boulc'h