Homélie de Pâques de notre évêque — Paroisse Saint-Vincent-de-Paul de Montmartin

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Homélie de Pâques de notre évêque

Pâques ! Alléluia ! Christ est ressuscité ! Jésus est entré dans la vie éternelle de Dieu ! Et, il n’a pas tourné le dos à son existence terrestre. Il n’a pas brutalement tourné la page de sa vie parmi les hommes.

HOMELIE DE MGR LAURENT LE BOULC’H PAQUES – DIMANCHE 12 AVRIL 2020 - COUTANCES

Frères et sœurs, ne trouvez-vous pas étonnant l’importance que Jean l’évangéliste donne aux linges et au suaire dans le récit du tombeau vide au matin de Pâques ?

Jean, le disciple bien aimé, sans entrer dans le tombeau, « s’aperçoit que les linges sont posés à plat ». Pierre qui est entré « aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place ». Quelles précisions curieuses de saint Jean dans son évangile ! Pourquoi tous ces détails au sujet des linges et du suaire ? Car l’évangéliste saint Jean aurait pu choisir de ne rien dire, comme saint Matthieu ou saint Marc. Ou encore, il aurait pu simplement mentionner « les linges, seuls, » comme l’écrit saint Luc.

On aurait pu concevoir aussi que saint Jean décrive le tombeau du matin de Pâques dans un grand désordre, comme l’indice d’une sortie fulgurante de Jésus Seigneur. Or, Jean insiste sur les linges pliés et le suaire roulé. On imagine Jésus le Ressuscité, qui prend le temps de plier avec soin les draps de son ensevelissement avant sa sortie du tombeau ! Frères et sœurs, dans ces linges posés à plat, comme le dit deux fois l’évangile, je reconnais un signe de la tendresse du Ressuscité pour son existence terrestre. Le Christ replie soigneusement les linges comme il replie sa vie. Les linges posés à plat et le suaire roulé du tombeau manifestent la tendresse de Jésus pour sa vie passée et le quotidien de la vie des hommes. Dans la suite de l’évangile, les récits des apparitions de Jésus à ses disciples dégageront une même impression. Après les linges et le suaire rangés, voici les marques de la passion sur son corps que Jésus montre respectueusement à Thomas.

Voici le feu de braises et les poissons posés dessus que Jésus a préparés pour ses disciples sur le bord du lac, et le pain rompu dans l’auberge d’Emmaüs. « Nous avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts » confirmera saint Pierre dans le discours des Actes des Apôtres de notre première lecture. Avec beaucoup de soin et de délicatesse donc, Jésus a tenu à présenter à ses disciples ces simples signes qui font mémoire de sa vie donnée pour eux. Quand les disciples voient les linges rangés, les stigmates de son corps, les poissons sur le feu et le pain rompu, c’est le souvenir de Jésus qui nourrit, partage le repas des pécheurs, multiplie les pains et célèbre la cène, Jésus qui livre sa vie et meurt sur la croix, Jésus qui sort Lazare de son tombeau, qui jaillit dans leurs cœurs. C’est toute l’histoire de Jésus qui se réveille dans la mémoire des disciples. Pâques ! Alléluia ! Christ est ressuscité ! Jésus est entré dans la vie éternelle de Dieu ! Et, il n’a pas tourné le dos à son existence terrestre. Il n’a pas brutalement tourné la page de sa vie parmi les hommes.

Quand Il a rejoint son Père dans le Royaume d’éternité, il n’a pas rejeté sa vie d’homme, comme un vieux vêtement qui serait devenu inutile. Au contraire, il en a pris soin et l’a emportée avec Lui dans la vie divine. Frères et sœurs, ce beau message de Pâques nous fait signe ce dimanche de la Résurrection. Il nous invite, comme aux premiers disciples, à porter une attention nouvelle à nos vies, une attention pleine d’espérance et d’amour. Il nous ouvre à l’espérance du ciel et nous ouvre à l’amour sur la terre. « Christ est ressuscité ! Alléluia ! » Ce matin de Pâques, nous chantons de toute notre foi notre joie de croire en Jésus, le Seigneur Ressuscité. Christ est ressuscité, et c’est toute notre humanité qui, en Lui, se voit appelée à rejoindre l’éternité de Dieu par-delà la mort.

« Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire », annonce saint Paul aux Colossiens. En Jésus Ressuscité, le passage vers le ciel s’est ouvert pour tous ceux et celles dont la vie se laisse transformer par l’amour de Dieu. Ceux et celles qui témoignent de la charité dans leurs vies passeront avec Jésus dans le sein du Père. Telle est notre belle espérance de Pâques. Frères et sœurs, nous recevons aujourd’hui cette parole de consolation alors que tant d’êtres humains dans le monde disparaissent dans la souffrance et la solitude, sans avoir pu dire adieu à leurs proches, sans que ceux-ci puissent se rassembler autour de leurs corps. A tous, nous voudrions annoncer l’espérance de Pâques. Notre humanité, dont nous éprouvons si cruellement l’extrême fragilité, est appelée à ressusciter dans la grandeur de Dieu ! Dans l’évangile de Jean, le Christ l’a promis à ses disciples : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : “Je pars vous préparer une place” ? Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi. » (Jn 14,2-3). Pâques nous ouvre à l’espérance du ciel.

Pâques nous ouvre aussi à l’amour sur la terre. Dans les humbles signes que Jésus a laissés à ses disciples après sa résurrection, nous reconnaissons toute l’attention que le Christ donne au quotidien de la vie des hommes, non seulement, quand il parcourait avec ses disciples les chemins de Galilée, mais, aujourd’hui encore, alors qu’il est Vivant dans le sein du Père. Maintenant qu’Il est dans le ciel de Dieu, le Seigneur Ressuscité n’oublie pas notre terre. Par l’Esprit Saint, il nous rejoint et insuffle son souffle d’amour dans les humbles gestes de nos vies. Croire en la Résurrection et en la vie éternelle, ce n’est pas mépriser l’existence d’ici-bas, comme si elle était devenue sans importance, comme si tout se jouait désormais dans le ciel, au détriment de la terre. Au contraire, frères et sœurs, parce que nous croyons en Jésus Ressuscité, nous voici, comme Lui, appelés à prendre soin de la vie, replier les draps, partager les pains et les poissons, offrir nos vies…

Vivre, dans le souffle de l’amour reçu du Ressuscité. Vivre de vie nouvelle les humbles gestes de nos existences par lesquels l’amour se donne et pour lesquels notre Seigneur Lui-même a témoigné de tant de considération. Ce n’est pas, frères et sœurs, que nous refusions de voir nos limites et nos incapacités d’aimer. Nous ne sommes pas Dieu. Mais, écrit saint Jean dans sa première lettre : « Dieu nous a donné la vie éternelle, et cette vie est dans son Fils (1 Jn 5,11) ». Frères et sœurs, n’ayons donc pas peur, car c’est le Christ Luimême, le Vainqueur du mal et de la mort, qui vient aimer ici-bas en nous, par nous, et avec nous. C’est ainsi que la vie éternelle, la résurrection, commence dans nos existences. Depuis des semaines, nous sommes témoins des souffrances qui frappent tant de gens sur notre planète. Nous sommes témoins aussi d’admirables gestes de dévouement et de fraternité. Dans tous ces linges rangés, ces nourritures partagées, ces soins donnés, ces corps relevés, ces prières adressées, nous reconnaissons les gestes de la tendresse de Jésus Sauveur pour notre humanité.

En ce saint jour de Pâques, rendons grâce alors au Père en cette Eucharistie pour tous ces humbles signes de la présence du Ressuscité au milieu de nous. Ils sont pour nous signe que la vie éternelle commence ici-bas. Car, frères et sœurs, elle est devenue nôtre aujourd’hui, l’espérance de saint Jean dans sa première lettre : « Nous, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères (1 Jn 3,14) ». Amen ! Alléluia !