Décès du pape émérite Benoît XVI - Messe d'action de grâce — Diocèse de Coutances

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Décès du pape émérite Benoît XVI - Messe d'action de grâce

Relire l'homélie de Monseigneur Le Boulc'h prononcée lors de la messe d'action de grâce pour la vie du Pape émérite Benoît XVI le 05 janvier 2023.

Frères et sœurs, nous venons d’entendre dans l’évangile de ce jour Jésus faire l’éloge de Nathanaël qu’il a vu sous le figuier. « Avant que Philippe t’appelle, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu ». Dans la culture juive, le figuier est un symbole de sagesse. Jésus admire ici la sagesse de Nathanaël en qui, reconnaît-il encore, « il n’y a pas de ruse ». Car la vraie sagesse est toute habitée de vérité. Il n’y a guère de place pour ce qui est faux ou tordu en elle.

 

Le pape Benoit XVI était un extraordinaire chercheur de vérité. La quête de la vérité a constamment nourri son travail théologique. Elle lui a donné de devenir l’un des penseurs les plus subtils, les plus féconds et les plus exigeants de notre époque. Un théologien impressionnant dans le fond comme dans la forme qui donne matière à penser à toute personne en quête sincère de vérité. Admirable œuvre théologique de Joseph Ratzinger devenu le pape Benoit XVI qui a permis d’ouvrir tant de pages nouvelles à la réflexion de l’Eglise. Le nom de Benoît n’indiquait-il pas son chemin tout tendu vers la contemplation du Dieu de Vérité.

 

Cette exigence de vérité dont Benoit XVI a été le témoin l’a mis quelquefois dans des positions inconfortables. Cela lui aura valu des incompréhensions et des malentendus. D’autant que Benoit XVI, à la différence de son prédécesseur saint Jean-Paul II, ou de son successeur François, n’est pas un homme de la vulgarisation mais de la subtilité de la pensée. Admirable langue de Benoît XVI ! Et la vérité n’appelle-t-elle pas à dépasser les caricatures, à refuser les convenances trop faciles, à dépasser les apparences et à faire œuvre sans cesse de sens critique et de liberté ?

 

La recherche de la vérité articule le travail de la foi et de la raison. Et l’on sait combien Benoît XVI a été un ardent défenseur de la foi et de la raison. La foi avec la raison sans les confondre pour autant, l’une se laissant toujours nécessairement interrogée par l’autre, et réciproquement. Car, frères et sœurs, la foi sans la raison sombre dans le fanatisme, et la raison sans la foi sombre dans l’orgueil. Ce fut la souffrance intérieure d’un pape que de voir le monde contemporain de plus en plus enclin à s’éloigner de l’une et de l’autre, ou encore de voir la foi tentée de quitter la raison et la raison tentée d’abandonner la foi.

 

Cette quête de vérité, si essentielle au ministère du théologien et du pasteur, passe par le creuset de l’humilité. La quête de vérité n’est pas un acte de bravoure ou de certitude figée dans un instant. Elle appelle au contraire à s’incliner toujours devant la source de l’Évangile relu dans la tradition de l’Église. S’incliner toujours devant la vérité inépuisable du Christ qui ouvre à la fois à la vérité du Dieu Un et Trine et à la vérité de l’homme et de la création. 

 

Cette posture de l’humilité devrait être aussi celle du chrétien et de l’Église quand ils célèbrent les Mystères de Dieu dans la liturgie, si petits devant Dieu qui s’offre gratuitement à eux. Et l’on comprend pourquoi Benoît XVI portait tant d’attention à la liturgie de l’Église. Benoît XVI était, de fait, un homme profondément humble. Au point d’oser présenter dans le courage si déroutant qu’est l’humilité, à rebours de six siècles d’histoire, sa démission du ministère pétrinien ! C’est qu’il lui avait semblé alors, après un long temps de discernement, que la vérité de son ministère était précisément en jeu.

Benoît XVI est parvenu aujourd’hui au bout de sa route. Nous osons croire que, pour lui enfin, par-delà la mort, la vérité brillera devant lui dans toute sa splendeur.  Dans la foi de l’Église, nous prions pour que les yeux de Benoit contemplent dans l’éternité ce qu’ils ont tant scruté, la vérité du Christ Jésus dans la pleine lumière de Dieu. 

 Saint Jean écrit dans le passage de sa première lettre que nous avons entendu ce soir : « Petits enfants, n’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité. Voilà comment nous reconnaîtrons que nous appartenons à la vérité, et devant Dieu nous apaiserons notre cœur. ».

 Jean nous rappelle ici que la justesse de l’amour à laquelle sont appelés tous les disciples de Jésus se donne à vivre à la fois dans les actes et dans la vérité. Il n’y pas d’amour évangélique qui fuit l’exigence d’une mise en œuvre concrète. Il n’y a pas d’amour évangélique qui s’engage en conscience dans ce qui est faux et tordu. « Nous, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères. » proclame saint Jean. Malheureusement, nul être n’est à l’abri de ces faux pas et les enfants de Dieu ne sont pas épargnés par le péché.

 Mais, saint Jean poursuit dans sa lettre : « si notre cœur nous accuse, Dieu est plus grand que notre cœur, et il connaît toutes choses ». La Vérité de Dieu est plus grande que notre cœur car elle est à la fois clairvoyance absolue et miséricorde infinie. « Le jugement est sans miséricorde pour celui qui n’a pas fait miséricorde, mais la miséricorde l’emporte sur le jugement » (Jc 2,23), peut alors écrire l’apôtre Jacques.

 Au chercheur de vérité sous le figuier qu’était Nathanaël, Jésus annonce dans l’évangile : « Je te dis que je t’ai vu sous le figuier, et c’est pour cela que tu crois ! Tu verras des choses plus grandes encore. » Et il ajoute : « Amen, amen, je vous le dis : vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme. »

C’est dans cet acte de foi dans le ciel ouvert de Jésus Ressuscité que, ce soir, nous nous unissons dans la prière de l’Eucharistie aux funérailles du pape Benoît XVI, célébrées ce jour à Rome par notre pape François.

Que le bien aimé Benoît entre définitivement dans la Vérité éternelle du Christ Vivant. Et que sa vie donnée pour l’Église nous aide à progresser dans la vérité de la foi, de l’espérance et de la charité.

Amen

+ Laurent Le Boulc'h

Communiqué de la présidence de la Conférence des évêques de France

après l’annonce du décès du pape émérite Benoît XVI survenu le 31 décembre 2022.

 

Nous venons d’apprendre avec une grande tristesse le décès du pape émérite Benoît XVI. Au nom de la Conférence des évêques de France, nous appelons les catholiques à prier pour lui le Dieu vivant, « qui n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants » (Lc 20, 38), en le confiant à sa miséricorde et à la puissance de Résurrection du Christ. Des messes et des célébrations seront organisées dans les diocèses et les paroisses pour rendre grâce pour ce qu’il a apporté à l’Église et au monde, et pour intercéder pour lui comme il le souhaitait.

Joseph Ratzinger a été un grand théologien. Sa participation au Concile l’avait mis face aux grands défis de l’Église dans le monde de la fin du XXème siècle. Il en a été un grand interprète, lucide et courageux, exigeant quant à la vérité, fidèle à la Tradition mais libre de toute nostalgie. Archevêque de Munich, puis préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, il a servi le saint pape Jean-Paul II en admirant le pasteur et le saint, cherchant avec sa vive acuité théologique à expliciter les fondements de l’action du Pape. Le rencontrer était toujours vivre un moment de lumière, de clarté, d’espérance aussi. Les évêques en ont fait l’expérience à chaque visite ad limina. Ils en gardent de grands souvenirs.

Devenu Pape à son tour, il a voulu servir l’unité de l’Église en la fondant sur la vérité la plus précise, tant dans les relations œcuméniques que dans son approche des groupes dits traditionalistes dans l’Église catholique. Il a voulu continuer l’œuvre de ses prédécesseurs en œuvrant pour la rencontre des religions et la paix dans le monde. Il a cherché à affermir ses frères et ses sœurs dans la foi par ses encycliques sur l’espérance et la charité et sur le développement humain intégral dans la justice et la charité. Dans un monde sécularisé, dans un climat culturel marqué par le relativisme, il a incarné la recherche exigeante mais aussi joyeuse de la foi qui aspire à adhérer à Dieu par le lien vivant que celui-ci propose aux humains. Il a affronté avec courage le fait des agressions sexuelles commises par des prêtres ou des religieux et n’a voulu préserver personne de la vérité qu’il y avait à faire en ce domaine. Sa lettre aux catholiques d’Irlande, en mars 2010, a ouvert une ère nouvelle, en deçà de laquelle il ne sera plus possible de retomber.

Les Français se souviennent avec émotion du magnifique voyage de Benoît XVI en France en 2008, à Paris et à Lourdes, à l’occasion du 150ème anniversaire des apparitions de la Vierge à Lourdes. Au cours de la messe sur l’esplanade des Invalides, juste quelques semaines avant qu’éclate la crise financière de 2008, il avait appelé à « fuir les idoles » et rappelé, après saint Paul, « que la cupidité insatiable est une idolâtrie (Cf. 3,5) et que « l’amour de l’argent est la racine de tous les maux », tandis que dans son discours au monde de la culture au collège des Bernardins il avait montré, à l’école de l’expérience monastique, que « la recherche de Dieu et la disponibilité à L’écouter, demeure aujourd’hui encore le fondement de toute culture véritable », comme une quête de la vérité dont ne peut se dispenser sans grave dommage l’humanité contemporaine.

Benoît XVI restera aussi dans l’histoire en raison de sa démission qui prit tout le monde par surprise. Elle était dans la ligne de sa profonde humilité et de son sens exigeant du service de l’Église. Il était épuisé et paraissait près de mourir. Il a finalement accompagné de longues années son successeur, assurant un ministère de recueillement et d’intercession, interrompu par peu d’interventions, toutes visant à éclairer l’intention profonde du pape François contre de mauvaises interprétations.

En confiant à Dieu le pape émérite Benoît XVI, les catholiques rendent grâce à Dieu pour ce qu’il a donné à l’Église, visiblement et invisiblement. En leur nom, nous remercions celles et ceux qui ont voulu ou voudront lui rendre hommage. Nous invitons également tous ceux qui le voudront bien à prier avec instance pour le pape François. Qu’il poursuive sa mission avec courage et persévérance, dans la force du Christ et de l’Esprit-Saint, pour que soit loué le Nom de Dieu.

La Présidence de la CEF

+ Eric de Moulins-Beaufort
+ Dominique Blanchet
+ Vincent Jordy

L’Église populaire (= coextensive à une population entière) peut être une très belle réalité, mais elle n’est pas nécessaire. L’Église des trois premiers siècles fut une petite Église, et n’était pourtant pas une communauté sectaire. Au contraire, elle n’était nullement isolée, mais elle se savait responsable des pauvres, des malades, de tous. Tous ceux qui étaient à la recherche d’un Dieu unique, qui attendaient l’accomplissement d’une promesse, y ont trouvé un espace. ... Cette conscience de ne pas être un club fermé, mais d’être toujours ouvert sur la totalité de la société, est un élément constitutif indissociable de l’Église... L’Église se mêlera à l’élaboration des législations et devra toujours rappeler les grandes constantes de la socialisation humaine. Car si le droit n’a plus de fondements moraux communs, il se détruit comme droit. L’Église ainsi considérée porte une responsabilité permanente pour le monde entier... C’est précisément à une toute petite communauté, les disciples, que Jésus a dit d’être le levain dans la pâte et le sel de la terre. Cela présuppose la petitesse. Cela suppose aussi la responsabilité pour le tout.

Cardinal Joseph Ratzinger, Voici quel est notre Dieu. Croire et vivre aujourd’hui. Conversations avec Peter Seewald, Plon/Mame,2001, p. 309 à 311.

Pour aller plus loin :

Visiter la page dédiée au Pape émérite Benoît XVI sur le site eglise.catholique.fr